samedi 16 janvier 2016

Les avortements provoqués au Sénégal

COMPTE RENDU
DE L’ATELIER DE RESTITUTION DES RESULTATS  
DE L’ETUDE SUR LE PROFIL PAYS
EN MATIERE DE GROSSESSES NON DESIREES
04 JUIN 2015

Un atelier de restitution des résultats sur le profil pays par rapport aux grossesses non désirées s’est tenu le 04 juin 2015 au Terrou-Bi, en présence d’une délégation de députés dirigée par la présidente de la commission santé de l'assemblée nationale.
La cérémonie d’ouverture a été présidée par le Directeur Général de la Santé, qui a successivement donné la parole aux représentants de Pop Council, PPD-ARO (Projet Partenaire en Population et Développement/ région Afrique) et aux présidentes de l’ASBEF et de la commission santé de l’assemblée nationale. Puis dans son allocution de bienvenue, il a rappelé que les grossesses non désirées étaient responsables de naissances non planifiées, de fausses couches, d’avortements provoqués et d’infanticides.
Le déroulement de l’atelier a consisté en une présentation des résultats de la recherche et en la tenue d’un panel sur le thème des grossesses non désirées, respectivement suivis de discussions.

I.                    Restitution des résultats de la recherche
L’Institut de Population, Développement, Santé de la Reproduction a ensuite présenté les principaux résultats de la recherche ayant consisté en une revue documentaire et en des interviews de personnes ressources.

Les textes disponibles en matière de santé de la reproduction (SR) au Sénégal sont essentiellement :
-          La déclaration de politique de population adoptée en 1988, réactualisée en 2002 (devant faire l’objet d’une deuxième réactualisation avec le recensement de la population de 2014) ;
-          La loi 2005-18 sur la SR ;
-          La loi 04/2010 sur le VIH/SIDA ;
-          L’article 305 du code pénal très restrictif pour l’avortement.

Les initiatives et textes régionaux en faveur d’une meilleure prise en compte des droits sexuels et reproductifs des femmes sont essentiellement :
-          La caravane pour accélérer la réduction de la mortalité maternelle en Afrique (CARMMA) et ;
-          Le protocole de Maputo.

Les indicateurs de la SR bien qu’ayant connu des améliorations au fil du temps restent encore préoccupants :
-          L’indice synthétique de fécondité de 6,6 enfants par femme en 1986 est passé à 5,0 en 2014. Les pays africains ayant une population essentiellement jeunes ont une opportunité historique à saisir avec la capture du dividende démographique (réalisable si la fécondité est maitrisée, les investissements surtout dans les secteurs de l’éducation et de la santé sont effectifs et s’il y a une bonne politique de l’emploi des jeunes) ;
-           18,7% des adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont eu leur première grossesse (25% en milieu rural contre 12% en milieu urbain) ;
-              Le taux de prévalence contraceptive (TPC) chez les femmes âgées de 15 à 49 ans est passé de 12% en 2010-2011 à 20,3% en 2014 contre 5 à 12% chez les adolescentes mariées âgées de 15 à 19 ans ;
-          Il demeure néanmoins que 31,2% des femmes en union ont des besoins non satisfaits en planification familiale (PF) ; l’enquête ISSU de 2012 a noté des insuffisances en matière d’intégration des services de PF, avec 75% des femmes fréquentant les structures de santé  qui à la sortie, n’avaient reçu aucune information, ni conseils sur la PF ;
-           Malgré une nette amélioration de l’accessibilité géographique des soins après avortement (95% des centres de santé équipés en 2006 contre 29% en 2003), l’accessibilité financière pose problème en milieu rural (en 2006 les coûts étaient évalués à 38,12 USD au niveau des postes de santé - 15,07 USD dans les centres de santé et 18,02 USD dans les hôpitaux).

Les perspectives pour réduire les grossesses non désirées au Sénégal seraient :
-   D’effectuer des enquêtes approfondies auprès des cibles (collecte, analyse et interprétation des données),
-     De  réviser le dispositif législatif et réglementaire en matière de SR et d’avortement en particulier ;
-     De restructurer le système de santé ;
-     De former et de recycler les prestataires en SR ;
-      De renforcer l’offre en matière de SR et de soins après avortement avec une attention particulière à l’accessibilité économique.


Les discussions qui ont suivi cette première présentation ont porté sur :
-        Les différents tabous entourant les cas de viols et d’incestes (familial, institutionnel avec les tentatives de médiation au niveau des chefs de quartiers- postes de police- gendarmeries et communautaire) ;
-        Les nombreux cas de viols suivis de grossesses reçus par la maison rose de Guédiawaye (17 cas survenus chez des mineures âgées entre 10 ans et demi et 14 ans, de janvier 2015 à début juin 2015) ;
-       La « non gratuité » de la prise en charge médicale et psychologique des victimes de viols et d’incestes ;
-          Le manque de structures d’accueil pour les filles porteuses de grossesses forcées ;
-      Le mariage précoce des adolescentes dont le taux est de 24% au niveau national, avec des variations selon les régions (56% à Matam et 67% à Kolda) et le niveau d’études ;
-          La légalisation du mariage des adolescentes à partir de 16 ans et le fait que seuls les rapports sexuels avec des filles âgées de moins de 13 ans sont punis selon nos textes juridiques ;
-          Les conditions draconiennes posées par ces textes pour autoriser une femme à réaliser une IVG ;
-          L’opposition des maris ou partenaires mâles à l’accès aux services de planification familiale de leur conjointe ou partenaire ;
-          La responsabilité occultée et minimisée des hommes dans les grossesses non désirées.

II.                  Pannel sur les grossesses non désirées
Le panel présidé par le Pr Ousmane Ndiaye- pédiatre spécialisé en néonatalogie, était animé par le Dr Marie Louise Corréa- présidente de l’ASBEF, Mme Haoua Dia Thiam- présidente de la commission santé de l’assemblée nationale et le Professeur Cheich Tidiane Cissé- gynécologue.

Les sous thèmes abordés par les panélistes étaient :
-          Accès des adolescentes aux services de santé de la reproduction ;
-          Problématique de l’éducation à la santé sexuelle des adolescent(e)s ;
-          Services de santé adaptés aux adolescentes.

S’agissant de l’accès des adolescentes aux services de SR, il a été jugé globalement insuffisant, qualitativement et quantitativement, tant en terme de suivi de la grossesse, de prise en charge de l’accouchement, de conseils SR, que de prévalence contraceptive. Il est constaté un déficit de l’offre de soins de SR surtout en zone rurale, une inadéquation de l’offre par rapport à la demande, de même que la cherté des coûts des prestations.

D’autres points ont été abordés dans ce sous thème, notamment :
-          Le fort taux de besoins non satisfaits en PF des adolescentes de plus de 33% ;
-          leur exposition aux IST/SIDA, MGF et à la consommation de drogue et tabac ;
-          les causes des grossesses précoces liées aux mariages précoces mais aussi aux cas de viol, à la curiosité des jeunes et à l’insuffisance d’éducation sexuelle ;
-     les conséquences les plus fâcheuses en résultant sont les avortements à risque et les infanticides.

Quant à l’éducation sexuelle des adolescent(e)s, les communications ont souligné leur intégration dans les programmes EVF avec l’ONG GEEP et FAWE pour le cours moyen secondaire, le rôle important joué par les pairs éducateurs de l’ASBEF. La problématique grandissante de la sexualité des jeunes avec le développement des TIC a été évoquée.
L’insuffisance des centres conseils Ado (16) a amené le ministère de la santé à créer au sein des structures sanitaires près de 2000 espaces Ado.

Les recommandations issues de cette journée d’échanges étaient les suivantes :
-       Se rapprocher de la Task force pour capitaliser les recommandations issues de l’atelier national de partage des résultats de l’enquête Guttmacher sur l’avortement provoqué au Sénégal tenu en avril 2015 ;
-    Se réunir autour de la stratégie nationale de protection de l’enfant et la compléter par la contribution du secteur de la santé ;
-   Avoir une stratégie harmonisée de lutte contre les grossesses précoces, élaborée avec l’ensemble des acteurs et institutions, à opérationnaliser ensemble avec mobilisation et mise en commun des ressources (en faire un exemple type de collaboration multisectorielle);
-    Amener les communautés à comprendre la problématique et à participer à sa résolution ;
-    Avoir un large consensus, réviser notre vocabulaire et parler un même langage (définition commune de la pédophilie) ;
-   Mettre en place un dispositif d’accompagnement des adolescents et avoir une réponse éducative, formative et non répressive ;
-      Réviser les curricula et y intégrer la planification familiale ;
-      Développer une politique de santé sexuelle ;
-       Avoir un projet éducatif global ;
-       Capaciter les parents à travers les écoles des parents ;
-       Adapter l’éducation sexuelle des enfants à nos valeurs culturelles et l’élargir aux enfants non scolarisés ;
-          Donner les mêmes chances aux filles et aux garçons dès leur plus jeune âge ;
-          Eradiquer le fléau des « enfants dans la rue » ;
-          Donner aux enfants des capacités de discernement, de négociation
-          Maintenir les filles à l’école jusqu’après le secondaire ;
-          Retarder la survenue de la première grossesse chez les adolescentes mariées précocement (16 ans) en attendant les révisions des textes juridiques ;
-          Assurer une prise en charge gratuite des victimes de viol et d’inceste suivies de grossesses ;
-          Habiliter les structures de santé pour une meilleure prise en charge de ces cas ;
-          Criminaliser les viols d’enfants ; élargir la possibilité de l’avortement médicalisé aux cas de viol, d’inceste suivis de grossesses ;
-          Réviser les textes juridiques sénégalais et appliquer les conventions internationales ratifiées ;
-          Diffuser davantage la loi SR ;
-          Evaluer les Centres conseils Ado ;
-          Mettre l’accent sur l’accès des jeunes à l’information et à des services de santé adaptés à leurs besoins ; 
- Réduire les coûts des méthodes contraceptives et améliorer l’accessibilité financière aux services de SR ; Mettre l’accent sur l’autonomisation des femmes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire